Focus sur le métier d'acheteur dans les vins & spiritueux: quels enjeux dans un monde en pleine mutation ?
Le responsable des achats & approvisionnements du monde des spiritueux est rarement l'objet d'articles dans les médias, contrairement au marketing ou à la distillation par exemple. Pourtant, sa mission est essentielle car la marge se constitue au moment de l'achat des matières et non pas lors de la vente du produit.
Aussi les problèmes d'approvisionnement et de hausses des coûts que nous avons connu entre 2020 et 2023 ont placé le métier face aux projecteurs à un moment où la continuité de l'activité des entreprises s'est retrouvée soudainement compromise.
Je vous propose donc ce focus sur un métier essentiellement féminin, rendu possible grâce aux témoignages d'une demi-douzaine de responsables des achats évoluant à ce poste dans des distilleries et dont je retranscris quelques extrait de manière anonyme. L'objectif étant de comprendre quels challenges il doit relever aujourd'hui.
Aussi, face à la complexité croissante du métier d'acheteur, celui-ci est-il suffisamment valorisé ? N'est-il pas un élément clé de la résilience des entreprises en période de crise ?
I) Une mission stratégique assez méconnue.
Le poste de responsable des achats & approvisionnements est à la croisée de différents services avec qui il doit interagir : pôles commercial, qualité, production, direction & logistique. D'où l'importance de savoir communiquer et user de diplomatie avec tous les interlocuteurs.
Toutefois, la place de l'acheteur dans la production dépend également de la vision et de la stratégie de l'entreprise. Il peut aussi prendre en charge certaines missions telles que le contrôle qualité, la veille réglementaire et la politique QHSE, voir même le développement packaging. Ainsi, la charge de travail dépend à la fois des ressources humaines disponibles mais aussi de l'organigramme de l'entreprise.
L'acheteur est donc à la fois au centre des décisions de l'entreprise tout en étant l'interface privilégiée entre cette dernière et les fournisseurs.
"Le métier d'acheteur est très intéressant car c'est un challenge de tous les jours. On créé au fil des années des partenariats avec nos fournisseurs"
Outre l'obligation de maintenir les niveaux des stocks pour garantir la production, le responsable des achats sélectionne les fournisseurs qui vont participer à la chaine de valeur de l'entreprise. Ces partenaires de la supply-chain font partie de l'écosystème de la distillerie, d'où l'importance de maintenir des liens étroits et privilégiés afin de s'assurer les meilleurs prix, services et délais.
Traditionnellement, les missions principales de l'acheteur sont donc respectivement l'optimisation des coûts, l'augmentation des profits, l'évaluation permanente de la supply-chain, la gestion des stocks et la négociation des contrats. Tout cela nécessite de maintenir une veille permanente pour s'assurer que les fournisseurs proposent les meilleures options et pour anticiper les évolutions de la chaîne logistique.
Mais d'autres prérogatives vont s'ajouter à leur charge de travail au fil du temps.
II) Un métier en constante évolution.
Le métier d'acheteur est davantage compliqué depuis que la mondialisation implique de connaître les particularités réglementaires commerciales internationales, les taux de change, la fluctuation des prix et les évènement géopolitiques qui influent sur la disponibilité des matières et la sécurité de l'approvisionnement. Il est également nécessaire d'avoir une expertise technique quand à la fabrication des matières qu'on achète et de maîtriser des outils informatiques de plus en plus présents dans la gestion des achats (au détriment de l'humain dans les échanges).
De même, les considérations sociales et environnementales jouent un rôle de plus en plus important dans la politique de l'entreprise. Cette pression supplémentaire demande de modifier le packaging en faisant appel à de nouveaux matériaux afin de réduire le poids du produit tout en réduisant les coûts de production.
D'où le besoin pour les entreprises de confier le poste d'acheteur à des personnes qui possèdent une expertise diversifiée, tels de véritables couteaux suisses. Mais le métier se complexifie en même temps, ce qui nécessite d'autres qualités qui ne sont délivrées par aucun diplôme mais sont plutôt intrinsèques à la personne même et à son expérience.
En effet, comment piloter les achats lorsque le brouillard économique et géopolitique empêche de piloter à vue ?
Il est nécessaire de rappeler ici la différence entre compliqué et complexe :
Dans son formidable ouvrage “Les 10 Règles d’Or du Changement” (Editions Eyrolles, 2014) , Eric Delavallée compare un objet compliqué tel qu'un Boeing avec la complexité d’un plat de spaghettis. D’une part nous avons un monde prévisible, maîtrisable et contrôlable car malgré ses centaines de milliers de pièces, un avion est reproductible à l’identique. Et d’un autre côté nous avons nos pâtes faiblement prévisibles, jamais complètement contrôlables et non reproductibles.
En acceptant l’idée que ces deux dimensions interviennent dans tout projet et pas seulement ce qui est réductible à l’analyse, on renonce à vouloir en maîtriser chaque molécule.
Non pas que les outils classiques de gestion de projet ou de pilotage des achats ne soient pas importants, ils demeurent primordiaux. Mais si on ajoute une nouvelle corde à notre arc qui est la capacité à accepter le changement et profiter de l'imprévu alors on incarner le leadership.
Révéler le leardership du responsable des achats, n'est-ce pas ici l'enjeu derrière les évènements qui ont révélés ce métier au grand jour ?
III) La mise à l'épreuve.
Parmi les qualités demandées qui sont l'autonomie, la rigueur, l'organisation, la connaissance du marché et la capacité de négociation, c'est bien la résistance au stress fait toute la différence en période de crise. Or des évènements vont converger pour former ensemble une tempête qui va mettre à rude épreuve les nerfs de nos responsables des achats.
"Aujourd'hui, il est devenu très compliqué d'optimiser les coûts. Le marché étant incertain du fait de l'inflation, il est difficile d'avoir des prévisionnels. Nous ne pouvons plus rationaliser les achats comme ce fût le cas auparavant. On pouvait acheter en volume, négocier les prix et assurer un stock permanent. C'est désormais impossible. Les tensions d'approvisionnement et les hausses des prix ont été une catastrophe pour notre activité. La seule façon de s'adapter est soit de rogner sur sa marge, soit de répercuter ces hausses au consommateur"
Des évènements vont converger et former ensemble une tempête qui va conduire les acheteurs à évoluer en frontline :
La gestion de la crise sanitaire Covid dont les confinements successifs entraînent une désorganisation de la chaîne logistique (production, transport) et met en relief la faiblesse de notre système qui repose sur l'absence de stocks ainsi que la concentration de la production des matières dans un nombre limité de sites (papier, carton...)
La mise en place du marché européen de l'énergie destiné à créer une concurrence artificielle au détriment d'EDF qui produit l'électricité la moins chère du monde. Ce qui entraîne une facturation abusive de l'électricité par des énergéticien peu scrupuleux qui ne produisent même pas d'énergie (hausse des prix généralisée)
Les sanctions 'boomerang' de l'Union Européenne à l'encontre de la Russie qui interrompent l'approvisionnement en énergies bon marché payées en € (gaz, pétrole), qu'il faut acheter ailleurs plus chères et en $. Or l'économie, c'est de l'énergie transformée.
L'inflation (augmentation de la masse monétaire) causée par l'utilisation abusive de la planche à billets suite au 'quoi qu'il en coûte' accentue la dévaluation de l'euro (achats de produits hors-UE plus chers)
On constate que ces évènements survenus entre 2020 et 2023 sont le fruits de décisions politiques qui impactent toute l'économie, dont le secteur des spiritueux. Ces décisions parfois absurdes et souvent très coûteuses ne sont pas mise en oeuvre démocratiquement mais plutôt sans concertation. Raison pour laquelle il devient complexe de penser l'avenir en présence d'une administration déconnectée de la réalité économique et sans véritable vision pérenne à long terme. Ce qui différencie notre époque du 'monde d'avant' plus prévisible.
A cela s'ajoutent les différents conflits qui témoignent d'un changement géopolitique majeur actuellement en cours et menant vers un nouveau monde multipolaire. On parle ici de changement d'alliances, de démondialisation et de rapatriement des moyens de production après 50 ans de délocalisations à marché forcée (si l'énergie disponible à bas coût le permet).
Dès lors, comment poursuivre la mission d'acheteur dans un espace rempli d'incertitudes ?
IV) Au service de la résilience des entreprises.
Les femmes & les hommes qui composent l'effectif des acheteurs dans les vins et spiritueux ont dû faire preuve de capacités d'adaptation pour éviter la rupture d'activité et maintenir la rentabilité des entreprises. Avec à la clé une forte augmentation de leur charge de travail.
Imaginez un instant des commandes passées sans délais annoncés ni tarifs fixes. Des changements de modèles de bouteilles opérés en urgence qui obligent, par conséquent, à changer de bouchons, de formes d'étiquettes et d'étuis ou de caisses. Ce sont tout autant de fournisseurs à prospecter, de devis à demander et à comparer, de tests à réaliser pour chaque produit impacté et de nouvelles références à enregistrer. Avec parfois les téléphones de fournisseurs qui sonnent dans le vide car ils ne prennent plus de nouveaux clients...
La déstabilisation des approvisionnement a aussi entraîné une baisse temporaire de la qualité de certaines matières du fait des cadences infernales qui sont mise en place pour répondre à la demande ou aux conditions de production perturbées par la guerre en Ukraine (le verre par exemple).
"Oui, j'ai l'impression que nous rencontrons plus de problèmes qualités sur certaines matières. Certains problèmes sont dû, je pense, à la qualité des matières de base pour tenter de maintenir ou limiter les prix mais aussi à tous les changements de matériaux qui doivent êtres en phase avec l'environnement que les fournisseurs ont du mal à maîtriser".
La communication et la confiance entre les distilleries et les fournisseurs furent les premières victimes des tensions d'approvisionnement et des hausses des prix de l'énergie. Suivie par des tensions en interne entre les services des achats et la production qui désespère de recevoir les matières à temps pour assurer les embouteillages prévus au planning.
Dès lors, le rapport de force penche t-il d'avantage du côté des fournisseurs ?
"Pour ma part, je pense qu'il n'y a pas de rapport de force entre les acheteurs et les fournisseurs. Je parlerai plus de collaboration. Pour bien acheter, il faut qu'il y ait une bonne relation avec le fournisseur et si tout se passe très bien, chacun y trouve son compte. Bien évidemment, avec certains fournisseurs, c'est plus compliqué à mettre en place".
A cette question, le ressenti des acheteurs diverge selon l'expérience vécue ces dernières années. Ceux qui ont établis des relations solides avec des fournisseurs malgré l'automatisation des process ont peut-être traversé la crise avec moins de contraintes. Mais cela dépend bien sûr aussi de la position de monopole ou non de ce dernier et du poids de votre entreprise dans sa balance commerciale.
"Complétement, Aujourd'hui l'acheteur est tributaire du fournisseur. Finie l'expression le client est roi !"
Maintenant que nos économies occidentales ont un pieds dans la récession et que les ventes de cognac se tassent, la demande ralentit et cette fois-ci, les fournisseurs téléphonent à leur tour aux distilleries pour enregistrer des commandes. Celles-ci déclinent également à cause du phénomène de surstockage consécutif aux tensions d'approvisionnement et qu'il faut désormais écouler...
V) Conclusion
De nouveaux enjeux s'offrent aux acheteurs, en particulier concernant les achats responsables qui s'articulent autour de trois lignes conductrices : améliorer les processus, améliorer la gestion des risques et améliorer la durabilité. La transition écologique en particulier implique de modifier ses habitudes d'approvisionnement en optant pour des matériaux offrant moins d'impact sur l'environnement ou moins énergivore (fin du pelliculage, des matériaux fossiles, matières vertueuses...). Le réemploi (consignation) et l'achat de matières groupées sont de nouvelles pistes.
La place centrale que revêt le poste d'acheteur au sein de l'entreprise et les bonnes habitudes de pilotage des achats garantissent le déploiement stratégique de la marque en temps de crise. Mais la capacité à encaisser le stress est primordial pour ne pas enchaîner les burn-out. Il est donc véritablement dans l'intérêt des entreprises de bien offrir des conditions de travail et de rémunération qui lui permettent de remplir ses missions.
Enfin, c'est au contact des acheteurs en tant que manager de projet et de développement packaging que j'ai spécialement développé les annonces d'achat-vente de stocks de bouteilles pour offrir aux distilleries des solutions d'approvisionnement en période de pénuries et de récupération de trésorerie en cas de surstockage, tout en faisant face à l'inflation.
Retrouvez les annonces et la liste des stocks de plus de 600000 bouteilles & carafes immédiatement disponibles ici :
Ou bien sur Facebook :
JEROME SAVOYE
Merci aux responsables des achats qui m'ont aidé à rédiger cet article.
Rédigé sans IA.